dimanche 20 avril 2008

Histoire d'une vie



Incompris. Telle est le dicton qu’Allen Iverson souhaite voir inscrit sur sa tombe lorsque le rideau se refermera sur son existence. Un joueur que personne n’a réussi à « calculer ». Ou pire que personne n’a voulu comprendre. Aux yeux du grand public, saisir « The Answer » se résume à jouer à pile ou face. Pile un joueur au talent surdimensionné. Face un voyou black devenu multimillionnaire par la grâce du sport. Mais la vérité est ailleurs, presque impalpable. Attachant souvent, rebutant parfois, Iverson, c’est une histoire à nulle autre pareille, bardée de clichés tantôt véridiques, tantôt fallacieux. Mais sans aucune compromission.

Une enfance difficile

L’histoire du petit Allen Ezail Iverson débute le 7 juin 1975. Né d’une mère, Ann Iverson qui à l’époque n’a que 15 ans et d’un père Allen Boughton qui a pris la poudre d’escampette le jour de sa naissance. Première fracture de la vie d’Iverson. Allen grandit à Newport News, un quartier malfamé de Hampton, en Virginie. La famille Iverson grandit au fur et à mesure avec deux jeunes sœurs. Pourtant il habite dans un appartement miteux construit juste au dessus du centre des égouts de la ville. Pour rentrer chez lui, il faut éviter les rats et les excréments mais aussi les balles. « Quand je rentrais à la maison, il n’y avait pas de lumière, rien dans le frigo, parfois pas d’eau. Ou de l’eau, mais pas d’eau chaude, juste celle des égouts qui s’était écoulé dans le salon. Voir ma sœur marcher dans une telle m…. me rendait fou » se remémore t-il. Ce qui n’arrange rien à la santé de sa petite sœur qui souffre de crise d’asthme. Pour faire face aux frais médicaux, Ann cumule les petits boulots mais principalement de longues périodes de chômage. Les dettes s’accumulent. Elle trouve un compagnon mais il passe plus de temps en prison pour trafic de cocaïne.

Jouer pour s’en sortir

Pour manger, le futur multimillionnaire doit jouer au basket pour les caïds du coin, histoire de gratter deux ou trois piécettes. « Il ne savait jamais quand serait son prochain repas » raconte Mike Bailey son coach au lycée de Bethel. De plus l’insécurité règne tout le temps surtout lorsque huit de ses camarades de playground se font tuer dans un règlement de compte entre gangs… La date fatidique de la Saint Valentin restera dans sa mémoire, en virée bowling avec ses amis une bagarre éclate entre ses amis et des jeunes blancs américains suite à des échanges verbaux à caractère racial. S’en suit le tribunal puis la une du magazine d’information 60 minutes sur CBS. L’acteur Bill Crosby et le réalisateur Spike Lee hurlent au scandale raciste. Mais rien n’y fait à 17 ans il est condamné à 15 mois de prison dont 10 avec sursis. Il passera finalement quatre mois au pénitencier de Newport News City Farm avant de profiter de la clémence du Gouverneur de Virginia. Allen lui s’endurcit encore un peu plus « Faire de la prison m’a appris à ne pas baisser mon froc. En prison on teste vos faiblesses et je n’en ai montré aucune ». Son tatouage « Only the strong survive » sur son bras gauche en témoigne. En 1995 la cour d’appel annulera les charges retenues pour absence de preuves… Pendant qu’il végète en prison, sa mère visite Georgetown, établissement catholique réputé. Elle y rencontre John Thompson, l’autoritaire coach des Hoyas, et fait le forcing auprès de ce dernier pour le convaincre de donner une chance à son fils. Un Thompson qui a d’embler fixé les règles avec beaucoup de classe « Si tu dérapes, je te renvoie à Hampton la q…. entre les jambes ». Allen respectera ces dires car il voit en Thompson le père qu’il n’a jamais eu.

L’arrivée en NBA

L’association durera 2 ans puis il se présente à la draft devenant le premier joueur de Georgetown de se présenter à la draft sans avoir finit son cursus. Déclenchant les foudres de son coach. Mais Allen Iverson déclara que c’était pour amasser de l’argent pour soigner sa sœur. Iverson ne doute pas de sa motivation « Les gens me disaient quand j’étais un gosse que je n’avais qu’une chance sur u million de jouer en en NBA. Aujourd’hui, c’est ma chance. Et je me dois de réussir car sinon ma famille et mes amis seront un peu plus dans la mouise. Avec tout ce qu’ils m’ont donné, c’est à mon tour de renvoyer l’ascenseur » s’exclame t-il dans les colonnes de Sports Illustrated. La suite on la connaît. Une sélection au 1er choix par les Sixers en 1996 et un juteux contrat avec Reebok (50millions de dollars sur 10ans). Tous ou presque s’émerveillent du talent du lilliputien de 1m83 dans un monde NBA dominé par les géants. Il y récolte de nombreux coups de coude sans jamais reculer comme dans la rue. Mais certains lui reprochent de se la jouer perso et de manquer de respect envers les stars du moment, de se prendre pour un caïd, en somme. Charles Barkley l’affuble du sobriquet de « Me-Myself-and-Iverson ». De plus, il est dans l’œil du cyclone de la Ligue qui n’aime pas son apparence hip-hop entre ses cornrows (ces fameuses tresses très utilisées dans les prisons) ses tatoos et ses bijoux tape-à-l’œil. Un style de « voyou » qui tranche avec celui de la star de l’époque Michael Jordan, issu pour rappel de la classe moyenne. Iverson, lui-tempête « On demande à un black de se blanchir comme s’il devait avoir de sa couleur de peau. Moi je ne vois pas pourquoi je devrais changer. Je suis black et fier de l’être, sorti de Newport Bad News et je rends hommage à mes origines. ». Un plaidoyer qui tombe à plat l’été suivant, lorsque lui et ses potes se font choper par les policiers, initialement pour excès de vitesse avant que les officiers ne trouvent dans le véhicule de la marijuana et une arme à feu. Il est condamné à 100 heures de travail d’intérêt général et 3 ans de probation plus un contrôle antidrogue mensuel pendant 2 ans. Aussitôt la NBA se met à critiquer ses fréquentations mais il leur rétorque « La Ligue ne peut pas choisir mes amis. Quand j’ai connu des difficultés, ils étaient là. Ils ont grandi avec moi. Je ne vais pas leur tourner le dos sous prétexte qu’ils ne plaisent pas. ».

La Consécration

15 mai 2001. Dans les locaux de la NBA sur la 5ème avenue de New-York, on s’agite comme dans une fourmilière. C’est que ce jour n’est pas un jour comme les autres. Aujourd’hui c’est la remise du titre MVP de la saison régulière. Sauf que le gagnant n’a rien du gagnant idéal. Timberland aux pieds, bandeau autour du crâne, baggy jean et une chaîne plus grosse que lui autour du cou, Allen Iverson arbore un t-shirt qui a le don de heurter l’assemblée. En lettres majuscules, le slogan Bad News Hood (comprenez mauvaises nouvelles en provenance du ghetto) barre son torse et pète aux yeux de tous les convives engoncés dans leur costard taillé sur-mesure. Les regards se croisent, à la fois interdits et perplexes. Pour Iverson, c’est autre chose, c’est sa récompense, son salaire. Ses yeux cherchent du regard ses quatre potes de toujours, Ra alias Rashaan Langford, Eric Jackson dit « E ». Sans oublier Marlon Moore et bien sûr Andre « Arnie » Steele. Tous étaient là dans les coups durs pour veiller sur la famille de chacun. Allen Iverson veut leur rendre hommage en lançant « Cela me rend fier qu’ils soient là parce que ce trophée, ce n’est pas le mien, c’est le nôtre » claque Iverson devant un parterre médusé.
Après ses nombreux déboires, il va très vite devenir un joyau dans la Ligue. Sa consécration se fera en 2001 où avec les Sixers il est élu MVP puis il les emmène en playoffs en battant au passage les Raptors de Vince Carter dans un face à face mémorable pour finir en finals NBA face aux Lakers de Shaq et Bryant. Confirmant les années suivantes, il n’arrive plus à conduire Philadelphie en playoffs et ses relations avec Larry Brown se dégradent de plus en plus. Cela se terminera avec le transfert de « The Answer » à Denver contre Andre Miller.

L’arrivée aux Nuggets pour glaner une bague

Sa première demi-saison a été anecdotique, se qualifiant pour les playoffs mais se faisant sortir face aux champions les Spurs. Lors de sa deuxième saison en 2007/2008, il forme le duo avec Carmelo Anthony le plus redoutable duo de scoreur de la Ligue. S’en suit le meilleur bilan des Nuggets depuis 1988 avec 50 victoires et 32 défaites, puis une qualification contre les Lakers. On espère qu’Iverson et Anthony referont l’exploit contre Seattle en sortant le numéro 1 contre le numéro 8. Après des années difficiles, Iverson s'est sans doute rachêté une conduite comme le souligne son coéquipier Yakhouba Diawara "Quand tu l'observes de l'extérieur, tu penses qu'il est arrogant, mais une fois que tu le connais, c'est le roi des imitateurs, tout le monde y passe. C'est un très bon coéquipier, agréable dans la vie.". Voilà qui constitue la meilleure fin pour cet article.

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